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Les artistes-interprètes face à l’intelligence artificielle

La newsletter des artistes - octobre 2023

IA : Bienvenue dans l’arène

L’explosion du potentiel et de l’utilisation des intelligences artificielles génératives a mis en lumière un vide juridique.
Plusieurs pays, ainsi que l’Union européenne prennent les devants afin de mettre en œuvre des protections légales, notamment sur les deux inquiétudes majeures des artistes-interprètes que sont la création sans interprètes d’une part et l’utilisation des enregistrements des artistes (films, musique) pour entraîner et alimenter l’IA d’autre part.

« Depuis 1791, le droit d’auteur a su s’adapter à tout : à la machine parlante, au cinéma muet, puis parlant, à la télévision, à internet… Je suis très confiant sur sa capacité à ajuster son cadre au contexte technologique. L’arrivée de l’IA dans le monde de la création est un électrochoc, avec une portée peut-être plus forte que celle d’internet et du P2P, mais je suis certain que l’on saura s’adapter. »
Bruno Boutleux, directeur-général gérant de l’Adami – Le Film Français 5 au 11 mai 2023

La conquête sauvage : le far-west de l’IA

Ces derniers mois, le développement massif des IA génératives a permis à certaines utilisations pour le moins contestables de voir le jour.
ChatGPT ouvre cette ère de la démocratisation de l’IA. Avec un million d’utilisateurs atteint en seulement six mois, sa croissance témoigne de sa force de frappe potentielle, et par extension de celle des IA génératives.
Mais les exemples hors de la rédaction se multiplient : premier prix dans un concours international pour une photographie créée à 100% par une IA ; Prix de la mise en scène et Prix de la critique du Nikon Film festival attribué à un court métrage réalisé avec l’appui de l’IA, les artistes Drake et The Weeknd associés dans un titre alors qu’aucun des deux ne l’a ni créé, ni interprété, mais qui génère 2000 dollars durant sa courte vie d’audience : les questions de perte de revenus pour les artistes, de violation du droit d’auteur et des droits voisins reviennent en force.

Création et interprétation : terres à prendre ?

Action, réaction : quand The Voice Lab (acteur de l’intelligence artificielle vocale française) lance un appel à don d’enregistrements vocaux en français, l’association Les Voix élève la sienne pour mettre en garde les interprètes et comédiens, avec modèles de contrat destinés à protéger leur voix et leurs réalisations, en attendant une régularisation juridique officielle. Une pétition a également été ouverte à destination du ministère de la culture afin d’éviter le remplacement des comédiens par de l’IA. L’IA a le don de viser entre les mailles du filet légal et d’entretenir un néo flou juridique. Dans l’attente de nouvelles règles officielles qui ne devraient tarder, l’essentiel de la protection des artistes réside pour l’heure dans les garanties mises en place par les plateformes de streaming : suite à l’affaire Drake & The Weeknd, Universal Music Group leur a par exemple demandé d’empêcher les services d’IA d’extraire les mélodies et les paroles de leurs chansons protégées par le droit d’auteur.

David contre Goliath

Face au géant IA, certains pays partent au front en solo, histoire d’ouvrir une brèche. Les US, fidèles à leur tradition de faire le droit par la jurisprudence, sont en passe de poser un jalon juridique sur la responsabilité des IA génératives.
Côté artiste, le congrès de l’Association Artistique Littéraire Internationale (ALAI, fondée par Victor Hugo, déjà !) sur la relation entre l’intelligence artificielle, les droits d’auteur et les droits voisins s’est tenu en juin dernier. De fait, l’Adami a participé à son organisation.

France: 6 mois de réflexion

Elisabeth Borne réunit ses ministres autour de la question de l’IA, au sein d’un comité interministériel qui a six mois pour rendre sa copie et présenter une feuille de route stratégique, élaborée sur une évaluation précise des impacts de l’IA générative sur la société.
Qui dit sociétal dit transversal : le pilotage du comité sera assuré par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et présidé par Philippe Aghion, économiste, et Anne Bouverot, présidente du festival Series Mania, du CA de Technicolor Creative Studios et de l’ENS.
Associé à ce comité, pour que la culture ait voix au chapitre, Rima Abdul Malak a annoncé la création d’un groupe de travail chargé d’examiner l’impact de l’IA générative dans le domaine culturel : Benoît Carré, compositeur et interprète; Alexandra Bensamoun, spécialiste du droit privé et de la propriété intellectuelle; Antonin Bergeaud, économiste; Bruno Patino, président d’Arte France et Marion Carré, cofondatrice d’Ask Mona.
Annoncée lors de la journée de réflexion “Think Culture 2023”, sur le thème “culture et numérique : la révolution permanente ?”, ce groupe d’experts se penchera sur la protection des droits d’auteurs et droits voisins, ainsi que sur l’impact de l’IA sur les métiers créatifs et la chaîne de valeur.

L’Europe contre-attaque

L’UE planchait déjà sur le sujet des IA depuis 2018, mais s’est faite surprendre par la montée en puissance des IA génératives. L’Europe muscle sa stratégie avec notamment la création d’une « task force » spécifique à ChatGPT, menée par le CEPD (Comité Européen de Protection des Données, réunissant les CNIL européennes).
L’UE a embrayé illico sur le plan légal et a voté en commission le 11 mai son projet de législation (directive) sur l’IA, adopté le 14 juin par le Parlement européen. Les pourparlers entre pays membres ont ainsi démarré au Conseil européen, devant aboutir à la forme finale de la loi. Les débats s’annoncent musclés, entre l’objectif d’adopter l’IA Act avant la fin de l’année, et les positions divergentes des Etats-membres. A commencer par le Président Macron lui-même, qui s’inquiète de l’impact négatif que pourrait avoir une régulation de l’IA sur l’innovation européenne, estimant qu’une “approche aussi bureaucratique qu’inefficace sur les IA génératives” ne peut qu’être néfaste pour l’innovation.
En cause notamment, selon lui, les mesures de transparence pour les IA génératives. Concrètement : elles devront indiquer le contenu généré par l’IA, déclarer les données (texte, image, musique) protégées par le droit d’auteur utilisées pour alimenter l’IA, etc.

L’Adami appelle à l’adoption rapide par la France de l’IA ACT, dans une tribune publiée dans Le Monde co-signée par sa présidente, Anne Bouvier.

> lire la tribune des 70 professionnels

> lire le communiqué de presse du 17 novembre 2023 : Intelligence artificielle : la transparence, condition fondamentale d’un modèle européen éthique signé par 80 organisations du secteur culturel

 

 

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